A Corfou, la gestion des déchets dans une Grèce en retard sur le recyclage
Son téléphone portable collé à l'oreille, Kosmas Vasilas observe ses équipes vider des poubelles multicolores dans des camions sur l'île touristique de Corfou. Une initiative novatrice en Grèce où la gestion et le recyclage des déchets s'avèrent encore anarchiques.
Dans ce pays, il est fréquent de jeter dans la rue matelas, appareils usagés, gravats, vieux meubles et même des toilettes dont on veut se débarrasser.
Mais dans le nord de Corfou, les habitants sont invités à trier leurs déchets dans plus d’une douzaine de bacs différents.
Le jaune pour le papier, le rouge pour le plastique, le bleu pour l’aluminium. D'autres bacs sont prévus notamment pour les vêtements, les cartouches d’encre, les ampoules, les appareils électriques et l’huile de cuisson.
"On nous appelle pour jeter un matelas, un réfrigérateur, tout ce qu'on peut imaginer", affirme Kosmas Vasilas.
En Grèce, le recyclage existe depuis des décennies mais il ne concerne qu'environ 20% des déchets alors que la moyenne dans les pays de l'Union européenne est de 48,2%, selon des données de 2023. Or, ce pourcentage doit atteindre 65% d'ici 2035.
- Donner l'exemple -
A Corfou, le changement est survenu après que l'île a été confrontée à des montagnes d'ordures pestilentielles en 2018, provoquant des manifestations qui ont conduit à la fermeture de la décharge locale.
"Les gens jetaient leurs ordures depuis les balcons et les voitures. C’était à faire dresser les cheveux sur la tête", se souvient la maire adjointe Spyridoula Kokkali.
Inspirée par le recyclage réalisé par des expatriés britanniques et allemands, la municipalité du Nord de Corfou a alors demandé à ses 18.000 habitants de trier leurs déchets ménagers.
Cette approche permet de faire des économies sur une île dont les trois municipalités dépensent encore environ 15 millions d’euros par an pour transporter leurs déchets vers le continent.
Sept ans après la fermeture de la décharge, une usine de recyclage fonctionne désormais et une unité de traitement des déchets est prévue pour 2027.
Avec une population de 100.000 habitants et plus de quatre millions de visiteurs l’an dernier, Corfou voit son volume de déchets exploser durant l’été, souligne Mme Kokkali.
Et le problème ne fait que s'aggraver avec la prolongation de la saison touristique, renchérit Kosmas Vasilas.
Dans le centre de Corfou, le recyclage est beaucoup plus limité.
"Les bennes de recyclage ici sont remplies de toutes sortes de déchets", déplore l'entrepreneur Stelios Sofianos. "Nous sommes tous responsables de cela".
"Chaque soir, je sors mes cartons mais ensuite, (toutes les bennes) sont vidées par le même camion. Je n'ai jamais vu un camion ramasser" uniquement les objets recyclables, assure-t-il.
Dans la vieille ville de Corfou, inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, les poubelles ont été retirées car elles débordaient constamment, selon des commerçants.
- Sanctions -
La Grèce a été à plusieurs reprises condamnée par la Cour de justice européenne pour sa mauvaise gestion des déchets. Jusqu’à récemment, elle faisait face à 65 procédures distinctes, ce qui lui coûtait 80.000 euros par jour d’amendes.
"Avec cet argent, on pourrait construire deux ou trois usines de traitement des déchets", souligne Dimitris Theodotos, un haut responsable de l’autorité régionale de gestion des déchets des îles Ioniennes.
L’an dernier, le nombre de décharges illégales a été réduit à 20, selon Athènes. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure.
Trois personnes ont été arrêtées mercredi après que 200 tonnes de viande avariée d’une entreprise alimentaire de Corfou ont été transportées illégalement vers le continent et déversées près d’une rivière.
Et une enquête a récemment été ouverte par l'UE sur un éventuel détournement de fonds concernant le coût d'un réseau de kiosques de recyclage installés dans Athènes.
Selon l'ONG WWF, 2,5 milliards de bouteilles en plastique sont utilisées en Grèce chaque année, mais seulement 30% sont collectées.
Le ministère de l'Environnement, qui n'a pas répondu aux multiples sollicitations de l'AFP, s'est engagé à ce que la Grèce assainisse sa gestion des déchets d’ici 2026.
Pour y parvenir, il pousse un projet de six usines d’incinération financées par des fonds privés d’ici 2030.
Mais la municipalité d’Athènes, comme d'autres, se montre critique, estimant que l’incinération des déchets est "extrêmement dangereuse pour la santé" et a "de graves conséquences pour l’environnement".
O.Auer--NWT