Présidentielle au Chili: la communiste Jara et l'ultraconservateur Kast en ballotage
La communiste modérée Jeannette Jara et son rival d'extrême droite José Antonio Kast s'affronteront au second tour de la présidentielle chilienne, après être arrivés en tête dimanche du premier tour lors d'un scrutin dominé par les inquiétudes liées à la criminalité.
La candidate de la coalition de centre gauche au pouvoir recueille 26,71% des suffrages, contre 24,12% pour son rival ultraconservateur, selon des résultats officiels portant sur près de 83% des bulletins dépouillés. Ils s'affronteront le 14 décembre.
Avant le premier tour, les sondages ont toutefois prédit la défaite de Jeannette Jara au second tour en cas de qualification face à un candidat de droite ou d'extrême droite, en raison du report des voix.
Ces résultats "sont une très mauvaise nouvelle pour Jeannette Jara", commente pour l'AFP Rodrigo Arellano, analyste à l'Université du Développement du Chili.
"Toutes les projections de son équipe tablaient sur plus de 30%", explique-t-il, soulignant que "l'ensemble des candidats de l'opposition la devancent de près du double".
L'ancienne ministre du Travail a exhorté les électeurs à ne pas laisser la montée de la criminalité les pousser vers l'extrême droite. "Ne laissez pas la peur endurcir vos cœurs", a-t-elle déclaré.
Pour la première fois depuis la fin de la dictature d'Augusto Pinochet en 1990, la droite radicale pourrait revenir au pouvoir. "Nous allons reconstruire" le pays, a lancé José Antonio Kast.
L'extrême droite était aussi représentée par le député libertarien Johannes Kaiser, souvent présenté comme la version chilienne du président argentin Javier Milei.
Il recueille 13,93% des suffrages. L'économiste iconoclaste Franco Parisi a créé la surprise en terminant troisième avec 19,42%, tandis que la candidate de la droite traditionnelle Evelyn Matthei obtient 12,70%.
Bien que le pays, riche en cuivre et en lithium, demeure l'un des plus sûrs du continent, la criminalité y a sensiblement augmenté. Le taux d'homicides a augmenté de 2,5 à 6 pour 100.000 habitants en dix ans et 868 enlèvements ont été recensés l'an dernier, en hausse de 76% par rapport à 2021, selon les autorités.
- "De la poigne" -
Cette poussée de la violence a éclipsé les aspirations de changement qui avaient porté au pouvoir en 2022 le président de gauche Gabriel Boric et sa promesse, finalement avortée, d'une nouvelle Constitution pour remplacer celle héritée de Pinochet.
L'inquiétude des Chiliens tient notamment à l'arrivée de formes de criminalité organisée "jusque-là inconnues dans le pays, comme les assassinats commandités", note Gonzalo Müller, directeur du Centre d'études politiques du Chili.
"Il manque de la poigne au Chili, on est trop laxistes (...) Il faut fermer la frontière et renvoyer tous les sans-papiers", a déclaré à l'AFP Raul Lueiza, un ouvrier du bâtiment de 64 ans, après avoir voté dans un quartier populaire de Santiago.
La campagne a été dominée par les discours sécuritaires, auxquels Jeannette Jara elle-même s'est ralliée, sans vraiment convaincre. Membre du Parti communiste depuis l'adolescence, l'ancienne ministre du Travail de 51 ans a assuré pendant sa campagne n'avoir "aucun complexe en matière de sécurité", défendant notamment un contrôle migratoire renforcé.
José Antonio Kast, 59 ans, fils d'un ancien soldat allemand qui a servi pendant la Seconde Guerre mondiale puis a émigré au Chili, brigue la présidence pour la troisième fois.
Son discours cible les 337.000 étrangers en situation irrégulière, en majorité des Vénézuéliens, dans un contexte d'inquiétude face à l'arrivée de groupes criminels étrangers. Une majorité de Chiliens associe la montée de la criminalité à l'immigration irrégulière.
Il promet des expulsions massives, la construction d'un mur à la frontière, le renforcement de l'armement de la police et le déploiement de l'armée dans les zones critiques.
Plus de 15,6 millions d'électeurs étaient appelés à départager huit candidats, ainsi qu'à renouveler la Chambre des députés et la moitié du Sénat.
I.Horvath--NWT